«Tout est fini, il abdique…» Pour cette lettre de Joséphine adressée, en avril 1814, à Eugène de Beauharnais, le marteau de Me Jean-Pierre Osenat est tombé à 86 745 euros (avec frais), samedi, à Fontainebleau, dans une salle archicomble où les musées français et les Archives nationales ont brillé par leur absence de préemption faute de moyens ! Une sacrée déception pour le commissaire-priseur, qui a pourtant totalisé 700 000 euros, un montant deux fois supérieur à ce qu'il attendait. Heureusement, il y avait de nombreux privés totalement sous l'émotion devant cet ensemble unique de 50 lettres de l'impératrice réuni par un collectionneur français et suivi de 400 documents la concernant ou touchant à l'histoire de la Révolution française et du Premier Empire.
C'est donc un Suisse qui a emporté ce lot phare sur la chute de l'Empire, à près de dix fois son estimation. C'est encore un Suisse qui a acquis, à 45 000 euros au marteau (il faut rajouter 30 % de frais !), les trois lettres poignantes du divorce. Celles-ci ont dépassé la fameuse missive amoureuse de 1796, adjugée 39 655 euros, également à un Suisse:«Mon mari ne m'aime pas, il m'adore, je crois qu'il deviendra fou», écrit Joséphine, le 5 thermidor de l'an V, à sa «bonne petite» Thérésa Cabarrus, l'épouse de Jean-Lambert Tallien.
La Suisse a toujours eu une passion pour Marie-Josèphe-Rose Tascher de La Pagerie, dite «Joséphine», née en 1763 à la Martinique, car elle possédait une maison sur les bords du lac Léman (juste à côté de celle de l'Aga Khan) où elle passa beaucoup de temps, une fois séparée de Napoléon. Après s'être mariée en première noce avec Alexandre de Beauharnais, qui lui donna deux enfants, elle le quitta pour épouser civilement Napoléon Bonaparte en mars 1796. Proclamée impératrice en 1804, Joséphine fut contrainte de divorcer en 1809, faute de pouvoir donner à l'empereur une descendance. Elle se retira au château de la Malmaison et mourut de pneumonie le 29 mai 1814.
Si Gérard Héritier, fondateur du Musée des lettres et manuscrits et gros acheteur dans les ventes ces dernières années, n'était pas à ce grand rendez-vous des fans de l'Empire, d'autres collectionneurs n'ont pas manqué de se manifester. Sans la concurrence du Musée de la Malmaison, qui n'avait visiblement pas de fonds, un amateur français, pilier de toutes les ventes de Me Osenat sur le sujet, en a profité pour acheter, à 21 000 euros (plus les frais), le Règlement pour la Malmaison signé en 1808 par l'impératrice, le seul exemplaire connu en mains privées.
«Toute la vente a fait des prix fous. Ce sont des records. Jusque-là, les lettres les plus belles de Joséphine n'avaient jamais dépassé les 8 000 à 10 000 euros», estime Pierre-Jean Chalençon, vice-président des amis de la petite Malmaison. Et même la reine Hortense, fille de Joséphine et reine de Hollande, a été emportée dans ce tourbillon. Une de ses bagues, sertie de brillants à son chiffre, s'est envolée, dimanche, à plus de 26 000 euros (frais compris), soit plus de quatre fois l'estimation. L'Empire contre-attaque.
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